Adrien Abauzit, la contre-Histoire du général De Gaulle (partie 3)

Retrouvez la première et la deuxième partie de la retranscription de l’émission.

Troisième partie de l’émission « Contre Histoire du général De Gaulle » avec Adrien Abauzit, diffusée sur Méta TV, le 16 octobre 2014 :

Plan de la troisième partie :

II) LA VERITABLE RESISTANCE DE PETAIN QUI A SAUVE LA FRANCE [suite…]

II-  III. 3. La Résistance clandestine à Vichy cautionnée par le maréchal Pétain

II – IV. Le débarquement américain en Afrique du Nord (opération Torch, 8 novembre 1942)

II – IV. 1. La stratégie du Groupe des Cinq

II – IV. 2. Le rôle de Darlan lors du débarquement de 1942 

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II-  III. 3. La Résistance clandestine à Vichy cautionnée par le maréchal Pétain

Et d’ailleurs, au procès de Pétain, Loustaunau-Lacau a témoigné :Memoires d'un francais rebelle loustaunau-lacau

« Je suis témoin que cette masse de la Légion était une masse très heureusement française ».

A LIRE : Georges Loustaunau-Lacau, Mémoires d’un Français rebelle, Editions Robert Laffont, Paris, 1948. Résumé et extraits disponibles ici.

  • Les chantiers de la Jeunesse:

Autre action de Résistance : Vichy a créé ce que l’on nommait à l’époque les chantiers de Jeunesse, pour instituer l’esprit de revanche (contre l’occupation Allemande) et camoufler du matériel.  Contrairement à ce que l’on colporte, il ne s’agissait pas d’un équivalent de la jeunesse hitlérienne, bien au contraire ! 38.000 jeunes ont ensuite rejoint l’armée de l’Afrique du Nord, et en 1945, 100.000 jeunes de la classe de 1943 ont également participé au combat. Le Général Joseph La Porte Du Theil, qui organisait ces Chantiers, a fini déporté.

  • Le réarmement clandestin de la France:
General Colsol

Général Colson

Même avant l’Armistice, le Ministre de la Guerre, le Général Colson, donna des ordres de camouflage d’armes, pour que les Allemands ne mettent pas la main dessus. Weygand lui vint en aide. Vichy camoufla un nombre d’armes considérable. En outre, comme les Allemands nous avaient laissé une armée de 100.000 hommes, le Général Picquendar instaura un nouveau plan de mobilisation de l’armée française afin de mobiliser près de 400.000 hommes, ainsi qu’un plan d’assistance aux Américains au cas où ils débarqueraient en Provence.

* En parlant de ceux qui camouflaient du matériel, j’ai oublié de citer le nom du Colonel Mollard.

Les Allemands avaient limités nos stocks, Vichy a donc œuvré pour le réarmement de la France.

Déclaration du Général Picquendar au procès Pétain :

Général Picquendar procès Pétain« Dès le mois d’octobre, les officiers du cabinet du Maréchal m’ont donné l’assurance que nous avions l’appui moral du Maréchal. Cela m’a servis bien souvent pour obtenir des concours dans les autres Ministères. Le Maréchal m’avait fait appeler pour me demander où en était la question des armements. Naturellement, nous n’avions pas d’artillerie lourde, et nous n’avions que quelques chars. Nous avons essayé de faire parvenir aux alliés la liste du matériel qui nous serait nécessaire. En outre, nous avons mis en fabrication des automitrailleuses blindées dans des usines souterraines, camouflées dans la Corrèze. Ces usines nous permettaient vers le mois d’octobre 1942 de sortir 220 automitrailleuses dans l’armée. Nous avons entrepris la fabrication de grenades antichars, d’un modèle tout nouveau, supérieur à tout ce qui était alors en service dans les armées alliées. Vers octobre 1942, nous avions déjà plusieurs milliers de ces grenades. Le Maréchal, en janvier 1942, me félicita, et me dit de continuer parce que nous n’avons jamais une armée Français trop puissante. Le Général Rubis, en septembre 1943 en témoigne : Pétain convoque tous les généraux français et leur dit ceci : « Messieurs, quand les Américains débarqueront, il faudra les aider par les armes ».

Pétain, vous disais-je, avait une affection particulière pour les Alsaciens et l’O.R.A. Le Résistant Charles Barrès témoigne à son procès et nous dit ceci :

« Nous sommes persuadés que cette Armistice a évité à la France de devenir une deuxième Pologne. Il a évité à la France de devenir un immense camp de concentration et de connaître des déportations en masse. La Résistance est une œuvre qui n’a été possible que par cette Armistice, obtenue par le Maréchal. Il est certain par ailleurs que l’Armistice a permis à la France de garder intactes ses positions Nord-Africaines, qui, à mon avis, ont été le premier gage conduisant à la victoire finale, à l’écrasement de l’Allemagne. Il est de mon devoir d’affirmer que par mes camarades d’Alsace, le Maréchal était toujours et par tout le temps que j’étais en Alsace parfaitement au courant de la Résistance. Il n’a jamais cessé de l’encourager. Il a profité de chaque occasion qu’il a eue pour nous envoyer de bonnes paroles. »

  • Le réseau de Résistance Hector financé par Pétain:
Alfred Heurtaux, colonel

Alfred Heurtaux, colonel

Je vous ai évoqué la Légion des Combattants Français. Pétain envoie le Colonel Heurtaux en zone Nord pour l’organiser. Les Allemands mettent leur veto. Mais déjà sur place, Heurtaux organise un réseau de Résistance, financé indirectement par Pétain : nommé Hector, ce réseau de Résistance est financé par les Services de Renseignement de l’Aviation, qui eux-mêmes sont financés par les fonds secrets donnés par Pétain. A partir de ce réseau Hector se forme un autre réseau beaucoup plus grand, l’Organisation Civile et Militaire, plus tard présente au CNR.

Le colonel Heurtaux a passé quatre ans en camp de concentration aussi…

Général Jean Bergeret armée de l'air aviation vichy

Général Jean Bergeret

  • Le Général Bergeret, l’école d’aviation secrète et le remembrement de l’aviation:

Rappelez-vous que notre aviation avait été démembrée. Le Général Bergeret, Ministre de l’Air,  fit clandestinement reconstituer près de 980 avions : la moitié de cette aviation combattit dans l’armée de l’Afrique du Nord. Il fonda une école d’aviation secrète, près de Toulouse. Il mit en place un Service de Renseignement de l’Air, en relation directe avec Intelligence Service. Et ce fut le Maréchal Pétain qui lui attribua les fonds nécessaires.

  • L’armée d’Afrique du Nord reconstituée par Weygand sur ordre de Pétain:

Je parlais de la Résistance : en septembre 1940, Pétain envoie le Général Weygand en Afrique du Nord pour reconstituer une armée qui sera prête à reprendre le combat contre l’Axe.

  • Le contre-espionnage offensif:

Le contre-espionnage avait été interdit par l’Armistice. Néanmoins, Vichy a reconstruit des réseaux de contre-espionnage offensifs et défensifs. Le BMA (le Bureau des Menées Antinationales), dirigé par le Colonel Guy d’Alès, luttait officiellement contre le communisme : en vérité, il condamna à mort 1.300 espions Allemands et Italiens (un certain nombre fut fusillé, envoyé en prison ou aux travaux forcés). La doxa nous dit-elle que le Maréchal Pétain faisait fusiller les espions Allemands et Italiens ?

A Marseille fut créé « L’Entreprise Générale des Travaux Ruraux » : elle armait la Résistance et éliminait les ennemis.

  • L’Organisation de la Résistance Armée :

Nous connaissons les fameux FFI. De qui étaient-ils composés ? De trois groupes :

  • Les communistes
  • Les FTP : avec la Résistance coco qui était composée de l’armée secrète (c’est-à-dire le mouvement Combat tenu par Henri Frenay, le mouvement les Francs-tireurs qui n’a rien à avoir avec le coco, dirigé par Pierre Lily, et de Libération qui était tenu ensuite par Emmanuel d’Astier de la Vigerie)
  • L’O.R.A. (l’Organisation de la Résistance Armée), la Résistance issue de l’armée de Vichy. Ce sont eux qui ont joué le rôle le plus important, d’un point de vue militaire : 1.500 d’entre eux ont rejoint l’armée de Weygand pour combattre les Bosches et 4.000 d’entre eux ont rejoint les maquis.

Voici ce que nous disait Kenneth Pendar (Vice-Consul Américain au Maroc pendant la guerre) au sujet de l’O.R.A :

 « Tandis que les Britanniques poursuivaient cette politique violemment anti-vichyssoise, ils nouaient et renforçaient des relations avec l’Organisation Secrète de l’Armée Française. J’ai été surpris de découvrir en Afrique du Nord et à Londres, quelque chose qui n’a jamais été clairement expliqué : le fait que cette organisation clandestine et militaire n’avait aucun rapport avec De Gaulle. Elle fut formée par l’Armée Française et commença avant même le jour de l’Armistice. L’armée sut conserver son propre QG secret, sa propre organisation et ses propres voies de communication avec les Britanniques. Ce n’est qu’en 1943, quand les Britanniques décidèrent de faire passer par De Gaulle toutes leurs relations avec la France qu’il y eut des contacts officiels entre ces mouvements de Résistance et De Gaulle. »

 Kenneth Pendar, Le dilemme France-Etats-Unis, Editions Beauchemin, Paris, 1946. Disponible ici

Pourquoi la Résistance s’est-elle ralliée à De Gaulle en 1943 ? Parce que les Anglais qui la réarmait lui ont posé un dilemme : soit elle se ralliait à lui, soit elle n’avait plus d’armes.

Aubert Frere ORA Organisation Résistance Armée

Aubert Frère

Le premier chef de l’O.R.A., Aubert Frère (1881-1944), attrapé par les Allemands, mourut avec « Nuit et brouillard » marqué dans le dos au camp de Struthof. Il faisait partie du Tribunal Militaire qui condamnait De Gaulle à mort par contumace… Le deuxième chef de l’O.R.A., le général Vernaud mourut également déporté en camp, de la même manière …

On voit donc bien toutes les activités de résistance de Vichy : le Bureau de Marine Nationale, le contre-espionnage offensif, le réseau Hector financé, le réseau Martial financé, le réseau Navarre financé, l’O.R.A., un plan de mobilisation clandestine, un réarmement clandestin, une aviation qu’on met en marche…

De qui se moque-t-on en parlant de Pétain comme un « collabo » ? On est pas obligé d’être d’accord avec moi, mais qu’on donne la parole à la défense, et qu’on la laisse s’exprimer. J’aimerais savoir quels sont les faits d’armes de mes contradicteurs ? Qu’ont-ils à opposer à tous ces faits-là ?

Un mot sur la résistance communiste :

Elle commence après l’invasion de la Russie, sachant que l’objectif des Coco n’était pas de faire la guerre aux Allemands, mais de faire une révolution sociale en France, de détruire l’ordre légal. D’ailleurs, la résistance des communistes n’a quasiment servie à rien !

Tepa : lorsqu’on les écoute, ils disent qu’ils sont le fer de lance absolu…

Mensonge ! Le fer de lance, c’était L’Organisation de la Résistance Armée.

Lorsque les communistes assassinaient un officier allemand en plein Paris, 50 otages se faisaient tuer. Cela ne servait strictement à rien d’un point de vue militaire, et De Gaulle a lui-même condamné ces attentats. Je précise que beaucoup de gens, qui à l’époque se sont accaparés l’étiquette de Résistants, n’étaient en réalité pas des Résistants… ils étaient volontaires criminels de droits commun[1].

 « On a pas assez reconnu que la Résistance de caractère militaire dans l’action était la seule force déterminante aux côtés des Alliés durant l’invasion. Elle était l’œuvre d’un état-major de techniciens, formés dès 1940, sans aucuns liens avec le Général De Gaulle, et ceci parce que nos Alliés n’avaient en ce Général qu’une confiance limitée. »

André Girard, Peut-on dire la vérité sur la Résistance ?, Editions du Chêne, Paris, 1947.

 Le fer de lance de la Résistance militaire était bien l’Organisation de la Résistance Armée, et il s’agissait d’un mouvement maréchaliste. Et De Gaulle n’a initié aucun mouvement de Résistance en 1942. Il y a eu l’Armée Secrète et en 1943, l’O.R.A. car on avait besoin d’armes.

Voici une manuscrite du Maréchal Pétain à son procès, au sujet de la Résistance :

« L’œuvre manuscrite en six points :
1. J’ai toujours résisté aux Allemands, c’est la pure vérité.
2. Je ne pouvais qu’être favorable à la Résistance : la Résistance est le signe de la vitalité d’un peuple.
3.  En tant que chef de l’Etat, je ne pouvais pas l’approuver publiquement en présence de l’occupant.
4. J’ai toujours fait une distinction entre les résistants aux Allemands et ceux qui ont utilisé ce prétexte pour se livrer à des crimes de droit commun. Ce sont ceux-là seuls que j’ai qualifié de terroristes. Les Résistants ont eux-mêmes protesté contre les excès de ces-derniers. J’ai désapprouvé, comme l’a d’ailleurs fait le Général De Gaulle, les attentats individuels contre les membres de l’armée d’occupation.
5. Je n’ai jamais cherché à avilir la Résistance, car j’étais moi-même un Résistant, le Résistant de France dans la métropole. »

 Lorsque l’on dit que le Maréchal Pétain a persécuté la Résistance, c’est un mensonge absolu ! Pétain a suscité des mouvements de Résistance, mais effectivement, lorsqu’il y avait des gens qui en profitaient, au nom de la Résistance, pour commettre des exactions, il les sanctionnait.

Et lorsque certains détroussaient les paysans ou les dépouillaient de leurs récoles, j’aimerais que l’on m’explique le rapport avec l’armée allemande, avec le fait de chasser les Bosches. Il n’y avait aucun rapport. C’est pareil, on a fait dérailler le train Paris-Lyon du 2 Novembre 1943 : il y a eu 11 morts, 34 blessés. Pourquoi ? A quoi cela-t-il servi, concrètement ?

Aussi, au sujet de la Résistance de Vichy, je précise que 28 préfets de Vichy ont été déportés ; 18 sous-préfets et secrétaires de préfectures ont été déportés.

William L. Langer (diplomate américain) nous disait, pour le Département à l’Etat Américain :

« Vichy, ce n’était pas seulement un vieillard sans défense et un room d’entrée sans scrupules, c’était aussi un groupe d’amis très nombreux sur qui nous pouvions compter et grâce au concours desquels nous pouvions peut-être apprendre beaucoup plus de choses sur l’ennemi que par tout autre moyen. L’expérience et les relations d’un grand nombre de fonctionnaires du Quai d’Orsay étaient à notre disposition, tandis que les Services de Renseignement de l’Armée Française, qui avaient été clandestinement réorganisés après la défaite, étaient ouverts. Il eut été parfaitement ridicule de nous interdire l’accès de cette source importante de renseignements. Tout bien considéré, on ne peut s’empêcher de penser que, pour cette raison, à défaut mise de toute autre, la politique que nous avons suivie à l’égard de Vichy fut complètement justifiée ».

William L. Langer, Le jeu américain de Vichy, Editions Plon, Paris, 1949. Nombreux extraits disponibles ici.

II – IV. Le débarquement américain en Afrique du Nord (opération Torch, 8 novembre 1942)

Amiral Darlan Armée Afrique du Nord 1942

Amiral Darlan

Il y a un homme dont nous n’avons pas encore beaucoup parlé : l’Amiral Darlan. Lorsque Pierre Laval fut évincé par Pétain, il fut remplacé par Pierre-Étienne Flandin durant deux mois, jusqu’à ce que les Allemands demandent son départ : Pétain nomma alors Darlan. De février 1941 à avril 1942, Darlan fut Vice-Président du Conseil, et Dauphin de Pétain. Sous la pression allemande, Pétain fut ensuite obligé de rappeler Laval en avril 1942.

Le 4 août 1940, Pétain avait donné une mission à Darlan : si la zone libre de la France était envahie par les Allemands, l’Amiral devait partir en Afrique du Nord pour reprendre la guerre.Pierre Ordioni Le Secret de Darlan

A LIRE : livre absolument génial, qui nous explique quelle a été la trajectoire de Darlan, pendant la guerre : Pierre Ordioni, Le secret de Darlan, Editions Albatros, Paris, 1974. Disponible ici.  Extraits et résumé disponibles ici.

Darlan est celui qui a poussé la « collaboration » le plus loin, puisqu’il y a eu une révolte des Irakiens contre les Anglais en 1941 : pour les aider, les Allemands demandèrent le libre-passage de la Syrie, et Darlan le leur accorda.

Avec l’opération Barbarossa et la guerre en Russie, Darlan changea ses plans. Il noua des contacts avec les Américains, et demanda à participer à la conférence Arcadia (du 22 décembre 1941 au 14 janvier 1942), lors de laquelle les Alliés déterminèrent leur stratégie de lutte contre l’Allemagne. Par la suite, il multiplia, au cours de l’année, les contacts avec les Américains, notamment à travers son fils, qu’il envoya en Algérie pour prendre des contacts avec le Consul Américain, Murphy, afin de préparer un débarquement. Cependant, les négociations s’arrêtèrent lorsque le fils de Darlan tomba gravement malade.

Murphy négociait la préparation de ce débarquement avec un autre groupe de résistants Français, le Groupe des Cinq (qui n’avait aucun rapport avec le Général De Gaulle : il s’agissait d’un groupe indépendant).

II – IV. 1. La stratégie du Groupe des Cinq

  • Qui composa le « Groupe des Cinq »?

– Lemaigre-Dubreuil (industriel assez riche –huiles Lesieur-, Cagoulard et, dit-on, membre de la Synarchie)
– Jean Rigaud (son bras-droit)
– Saint Hardouin (un diplomate)
– Henri d’Assier de La Vigerie (le frère d’Emmanuel Dassier de La Vigerie, chef du mouvement de Résistance La Libération Sud)
– Le Colonel Van Hecke (qui dirige les Chantiers de la Jeunesse en Afrique du Nord).

L’idée était qu’officiellement, à travers le Groupe des Cinq et un Général, la France appelle les Américains à l’aide pour lutter contre l’Allemagne (ce ne sont pas les Américains qui nous envahissent ou qui débarquent, mais nous qui les appelons).

Pétain et la France Jean-Raymond TournouxIl leur fallait un Général. Au début, ils pensèrent à Weygand (puisque Pétain l’avait envoyé en Afrique du Nord pour constituer une armée) mais celui-ci avait décliné la proposition, parce qu’il ne voulait pas être dissident à Pétain, et qu’il ne s’estimait pas digne d’être chef de la France [1]. Toutefois, Weygand confie à Jean-Raymond Tournoux, un Résistant, que s’il avait été présent en France au moment du débarquement, il aurait continué la guerre. Sur le sujet, voir l’ouvrage de Jean-Raymond Tournoux, Pétain et la France, Editions Perrin, Paris, 1980. Disponible ici. Résumé disponible ici.

Ceci étant, Weygand a reconstitué l’armée d’Afrique du Nord sur demande de Pétain.

Telle est cette fameuse armée d’Afrique dans le film « Indigènes » avec Jamel Debbouze : comme vous le voyez, on omet toujours de mentionner qu’elle a été reconstituée par Weygand sur ordre de Pétain[2]

Pour revenir au Groupe des Cinq : Weygand refusa d’être le Général. Des échangent eurent lieu entre Murphy et Giraud, donnant lieu aux accords Giraud-Murphy :

  1. La France gardera son intégrité territoriale.
  2. Giraud sera à la tête de l’armée interalliée.
  3. La France sera considérée comme une alliée des Etats-Unis et leur demandera de lutter contre les Allemands.

A l’époque, Murphy fit croire à Giraud que le débarquement n’aura pas seulement lieu en Afrique du Nord mais aussi en Provence, au printemps 1943. Giraud fut alors persuadé qu’il pourrait, à ce moment-là, aller à la tête de l’armée d’Armistice, sur la base du plan de mobilisation du Général Piquendar : nous aurions réarmés 600.000 Français et repris les combats contre les Allemands. En réalité, le débarquement eut uniquement lieu en Afrique du Nord le 8 novembre 1942.

Lorsque les Américains débarquèrent, conformément aux accords Halifax-Chevalier, la France riposta, pour donner aux Allemands l’illusion qu’il y avait une « tension artificielle ». Darlan aurait dit : « Si vous venez avec quatre divisions, je vous tire dessus, si vous venez avec vingt, je vous embrasse».

II – IV. 2. Le rôle de Darlan lors du débarquement de 1942 

Le 8 novembre 1942, Darlan était sur place –alors qu’il n’aurait pas dû y être. Le Groupe des Cinq fut embarrassé. Giraud, quant à lui,  se trouvait à Gibraltar –et devint fou de rage puisqu’on lui avait dit que le débarquement aurait lieu en Provence au printemps 1943. Or, il était censé signer le « cessez-le-feu » et se placer à la tête de l’armée du Nord pour reprendre la guerre. Or, lorsqu’il arriva le 9 novembre, l’armée d’Afrique du Nord, très maréchaliste, l’ignora.

Lorsque le débarquement eut lieu, Pétain envoyé un télégramme à Darlan :

« Je suis heureux que vous soyez sur place. Vous pouvez agir et me renseigner. Vous savez que vous avez toute ma confiance. »

Pourquoi Darlan était-il censé savoir qu’il avait toute la confiance de Pétain ? Parce qu’il y avait et ordre du 4 août 1940 (reprendre la guerre au cas où l’armée Allemande envahirait la zone libre).

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l’Amiral Darlan et Giraud à Alger

Que se passa-t-il alors ? Le 9 novembre 1942, Darlan signa un cessez-le-feu pour la région d’Alger. Le soir, le Général Juin, qui avait succédé à Weygand à la tête de l’armée d’Afrique[3], comprit la situation. Il donna le commandement de l’armée d’Afrique à Giraud, à condition que celui-ci se rallie à Darlan et ce dans le dos du Groupe des Cinq, qui avait organisé ce débarquement. En vrai militaire, désirant faire la guerre au contraire de De Gaulle intéressé par le pouvoir politique, Giraud accepta. Il refusa de signer le cessez le feu à la demande des Américains –cela n’aurait pas changé grand-chose, dans la mesure où il n’aurait pas été écouté.

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l’Amiral Darlan et Giraud en 1942 à Alger

Le lendemain, le 10 novembre, Darlan signa l’Armistice pour toute l’Afrique du Nord. A ce moment-là, il faut savoir que Laval était à Munich, convoqué par Hitler en urgence. Vichy fut alors obligé de désavouer publiquement Darlan, qui avait conclu une Armistice avec les anglo-saxons, et de nommer à sa place à la tête de l’Afrique le Général Noguès, Gouverneur du Maroc.

Amiral AuphanDarlan fut effondré, croyant avoir perdu la confiance du Maréchal. Heureusement l’Amiral Auphan [4] eut l’idée de lui envoyer un télégramme secret, par un moyen que les Allemands ne pouvait pas intercepter :

« à 14h50 : Comprenez que ce désaveu était nécessaire pour la négociation en cours. »

La négociation en cours était celle de Laval avec Hitler à Munich : précisons que Laval est allé voir ce-dernier avec une fiole de cyanure de potassium dans sa poche, au cas où il ne pourrait accepter des choses qui seraient trop contraires aux intérêts de la France[5].

Le 11 novembre, la Wehrmacht envahit la zone libre. Se rappelant alors son ordre du 4 aout 1940, Darlan prit la tête de l’Afrique du Nord dans l’intention de relancer l’armée contre les forces de l’Axe.

Rappelez-vous cependant que Noguès avait été officiellement nommé chef de l’Afrique du Nord, et qu’une partie de l’armée n’était donc pas au courant du télégramme secret : c’est pour cela qu’elle ne se rallia pas tout de suite à Darlan. Comprenant la situation, Noguès rendit officiellement ses pouvoirs à Darlan, le 13 novembre.

Alors que Darlan avait donné les ordres de combat contre les Nazis, le 13 novembre, l’Amiral Auphan lui envoya ce télégramme secret :

«  Accords intimes du Maréchal et du Président Laval mais décision soumise aux autorités occupantes. »

A travers ce télégramme, Pétain approuve et encourage Darlan à combattre les Allemands.

Le 13 Novembre, à 20h10, Darlan déclara à la presse :

« En plein accord avec le Général Noguès et sur sa demande, j’assume la responsabilité des intérêts Français en Afrique. J’ai l’assentiment des autorités Américaines avec lesquelles je compte assurer la défense de l’Afrique du Nord. Vive le Maréchal ! Vive la France ! »

A ce moment-là, le Chef de la France combattante, qui combat contre les Nazis, fut l’Amiral Darlan ; et il le fait « au nom du Maréchal empêché ».

Le rôle de De Gaulle est inexistant…

Alger Eisenhower Darlan Cunningham Giraud novembre 1942 02

Alger, novembre 1942 : Eisenhower, Darlan, Cunningham, et Giraud

Et si Darlan n’avait pas été assassiné, comme dirait l’Amiral Auphan, « les deux morceaux de France se seraient réunis à la fin de la guerre ». Le chef de la France combattante était Darlan, « le vrai rival de De Gaulle », comme le dit Pierre Ordioni.

Tepa : Darlan est considéré comme le summum de la « collaboration », qui aurait vu arriver les Américains et dit « nous sommes avec nous ». En fait, c’est plus compliqué que cela…

Alger Eisenhower Darlan Cunningham Giraud novembre 1942

Alger, novembre 1942 : Eisenhower, Darlan, Cunningham et Giraud

Bien sûr que c’est plus compliqué que cela. Darlan négociait depuis 1941, soit plus d’un an, avec les Américains, donc son ralliement n’était pas du tout opportun. Et si son fils n’était pas tombé malade, peut-être que les Américains se seraient entendus. Il faut savoir qu’Eisenhower, en apprenant les négociations avec Darlan, a voulu se ruer dessus. Le problème est que le délégué de Giraud en Afrique du Nord, le Général Almats, y a apposé son veto. Et à la réunion de Cherchell du 22 octobre 1942, la filièPeter Tompkins Le meutre de l'amiral darlanre Darlan fut définitivement enterrée.

Aussi, quoique l’on en dise, ce qui importe est le fait que Darlan ait pris une position à ce moment-là conforme aux intérêts de la France : il fallait relancer la guerre contre l’Axe et Darlan a relancé l’armée contre l’Axe –armée, je le répète, constituée par Weygand au nom de Pétain, et Pétain, par télégramme secret envoyé par l’Armiral Auphan, a validé le choix de reprise combats militaires contre l’Axe.

A LIRE : Peter Tompkins (espion Américain), Le meurtre de l’Amiral Darlan, Editions Albin Michel, Paris, 1966. Disponible ici. Résumé disponible ici.

Citation de Darlan, 18 novembre 1942 :

« Je fais tout ce qui est en mon pouvoir en accord avec les alliés Américains et Britanniques pour promouvoir cet ordre Chrétien qui s’oppose aux utopies matérialistes et païennes des pseudo-philosophes hitlériennes et fascistes. »

Message radiodiffusé de Darlan, du 20 novembre 1942 :

« Le Maréchal Pétain est et reste l’image vivante de la France. Mais après l’occupation de la zone non occupée par les Allemands, il a perdu sa liberté d’action. Après l’Armistice, la politique poursuivie par le Maréchal a été la seule possible, parce qu’elle permettait à la France de continuer à vivre et parce qu’elle lui a évité de voir l’Afrique occupée par l’Axe. Si cette politique n’avait pas été si habilement menée, les Allemands auraient occupé l’Afrique depuis longtemps déjà. Et si cette occupation avait eu lieu, les évènements plus récents permettent de supposer que les Alliés auraient éprouvé d’autant plus de difficultés à aider la France à retrouver sa liberté. Je sais pertinemment que j’interprète honnêtement l’idée du Maréchal. Je continue à suivre ses instructions d’autrefois, lorsque j’accepte le secours des Américains et des Alliés pour la liberté et le rétablissement complet de la souveraineté de la France. Je sais d’ailleurs que le Maréchal partage mes sentiments d’amitié envers les peuples des Etats-Unis. Mais en aucun cas on ne me fera croire que le vainqueur de Verdun est de connivence avec les usurpateurs qui ont ravi à la France l’Alsace, la Lorraine, la Savoie, Nice, la Corse, et l’Afrique du Nord en Tunisie. C’est sous la pression allemande que le Maréchal a transmis une partie de ses pouvoirs à Laval, or nous avons prêté serment solennel au Maréchal, pas à Laval, et ce serment, nous le respecterons, au moins dans son esprit ».

 Fin de la troisième vidéo.

 ________________________ NOTES ________________________

[1] La raison est que Weygand est né en Belgique, et ne connaissait pas ses vrais parents : il était plus ou moins apatride avant d’être naturalisé Français lorsqu’il est entré à Saint-Cyr : c’est pour cela qu’il ne s’estimait pas assez digne pour devenir chef de la France…

[2] Le degré de mensonges ou d’omissions est incommensurable. Il est d’autant plus difficile de comprendre et d’assimiler ces contre-vérités.

[3] Les Allemands ne souhaitaient pas que Weygand reste en Afrique, pressentant qu’il allait leur faire un sale coup.

[4] L’Amiral Gabriel Auphan a écrit de nombreux ouvrages intéressants. Voyez particulièrement son Histoire élémentaire de Vichy : nombreux extraits disponibles ici.

[5] NDLR : Fiole que Laval avait gardée, et qu’il avala la veille de son exécution en 1945, tentant de se suicider.

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